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Yeli Mady Konaté : «Ma plus grande réussite reste Allo Kledu»

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Yeli Mady Konaté est un entrepreneur avant tout, qui ne se contente pas du minimum. Surtout «quand on est jeune dans un des pays les plus pauvres du monde et que Dieu vous a donné la chance d’avoir accès à des avantages tels que l’éducation, vous n’avez pas le droit de vous contenter du minimum», affirme-t-il. À la lumière de ses premiers pas dans la musique et le business, et le peu d’engouement des producteurs pour le Rap, il a alors décidé de créer sa propre structure de Production, Invasion Records. À ce jour, cette structure est devenue une boîte de communication expérimentée du nom de Sentinelle Sud. Homme de radio, Yeli Mady Konaté innove avec un style tout particulier : exprimer ses propres opinions autant que ses auditeurs. Au lieu de seulement permettre à l’auditeur de dire tout et n’importe quoi sans avoir à justifier ses propos. Et ça marche !

Pouvez-vous nous présenter votre parcours et votre entreprise ?
Yeli Mady Konaté : À peine majeur, j’avais déjà ma structure de production, donc très vite, j’ai évolué vers l’évènementiel, la réalisation et d’autres services de communication. Etant donné que j’ai étudié Business Management (Gestion d’Entreprise) aux Etats-Unis, c’est tout naturellement qu’à chaque vacance au Mali, je m’essayais dans divers domaines. Quand je suis rentré définitivement au pays, j’ai eu la chance de décrocher un poste dans une société minière Américano-indienne en tant qu’Administrateur général. Ça m’a ouvert beaucoup de portes. Ça m’a permis de rencontrer beaucoup d’investisseurs étrangers et de gagner leur confiance. C’est pourquoi j’ai fondé avec un ami une société dénommée ICS (International Consulting Services). Nous sommes spécialisés dans les activités industrielles, les mines, les services, la gestion des ressources humaines, trading et communication d’entreprise.
Pourquoi avez-vous décidé d’entreprendre aussitôt ?
J’ai toujours aimé innover ; j’ai toujours voulu créer. Que faire si vous vivez dans un pays qui n’exploite pas ses talents ou qui ne donne pas la chance aux jeunes ? Il faut entreprendre et sans cesse se réinventer. Je ne suis heureux que dans le travail, et c’est un plaisir pour moi à chaque fois que je récolte les fruits des graines que j’ai semées.
Quels ont été les plus grands obstacles que vous avez rencontrés lors de la création de votre entreprise ?
Le 1er grand obstacle est tout simplement qu’au Mali, le travail ne suffit pas pour réussir. Vous avez beau vouloir bien faire, rien n’est en place pour encourager ceux qui veulent entreprendre. Bien au contraire, ceux qui veulent travailler sont combattus et la médiocrité est encouragée. Le fait que j’ai commencé tôt m’a permis d’apprendre à recevoir les coups et j’ai su comment m’adapter à mon environnement. Le 2ème obstacle, qui est un avantage comme un inconvénient, c’est mon nom ! Sans aucun doute, le fait que mon nom soit connu m’ouvre des portes. Mais étant donné que la plupart des gens que je croise me connaissent en tant que rappeur ou animateur, il est difficile pour eux de comprendre que je puisse être avant tout un homme d’affaires. Peu de gens conçoivent qu’on puisse faire 2 activités, à plus forte raison plusieurs.
Mais, comme je l’ai dit au début de cette entrevue, Dieu m’a donné trop de chances pour que je reste assis à me tourner les pouces. J’entreprendrais toujours de nouvelles activités tant que j’en aurais la force physique et le moral. À condition bien sûr que je maîtrise mon sujet. Je ne fais pas tout et n’importe quoi. J’ai beaucoup d’amour dans tout ce que je fais et j’y mets tout mon cœur et mon dévouement. Toute ma vie les gens ont essayé de me dire : «tu es un rappeur», après ils ont dit «réalisateur», puis maintenant «animateur». Tôt ou tard, ils comprendront qu’on ne peut pas caser une personne sauf si elle le souhaite. Je ne peux pas être une seule chose. Mes ambitions ne me le permettent pas, les défis de mon pays ne me le permettent pas. Je me dois d’apporter tout ce que je peux et tant que je le peux. Certains appellent ça de l’arrogance mais Dieu seul sait que je veux juste montrer une autre image de mon pays. Des jeunes qui se lèvent droits, prêts à relever les nombreux défis qui s’offrent à nous. Quand je vois des jeunes qui se contentent du peu qu’ils ont au lieu de chercher toujours plus loin, je me dis qu’ils représentent une perte inestimable pour notre pays. Etre ambitieux ne doit pas être un luxe au Mali, mais un devoir.
Quelles ont été vos plus grandes réussites jusque-là ?
Wow ! J’en ai tellement : Mali Hip Hop Awards, Balani Mix ; l’émission «l’Entrepreneur» ; «Ka na Gnagami» ; l’Hymne pour l’Afrique que j’ai chanté avec Mokobé et qui a fait le tour du monde sur de grandes chaînes comme Trace TV ; le morceau «Abandé», car voir des gens danser sur nos musiques du pays dans les boîtes de nuit est une fierté quand on sait qu’on ne valorise pas assez notre culture. Notre compagnie ICS aussi est une grande fierté, car ça nous a déjà permis de créer de l’emploi et cela fait partie de nos objectifs. Mais à ce jour, je pense que ma plus grande réussite reste Allo Kledu. Je ne remercierais jamais assez Radio Kledu de m’avoir donné la chance de tenter ce pari fou. Ce que ça m’a apporté est inestimable. Certes, j’étais déjà connu quand j’entamais cette émission. Mais, cela m’a permis à moi aussi de connaître les gens. Ils ont eux aussi appris à me connaître, et c’est comme si tout le monde m’avait adopté. Je ne pars nulle part sans que quelqu’un me donne son avis sur la situation du pays ou m’expose un problème personnel. Avant on me connaissait comme quelqu’un qu’on voyait à la télé, et à présent, beaucoup me traitent comme un membre de leur famille. Cela me procure une joie et un sentiment de gratitude que je ne saurais mesurer. Cette expérience a ouvert mon esprit. Je pense que c’est ma plus grande réussite pour l’instant. Inch’Allah, le meilleur est à venir.
Les émissions à Klédu, ça se passe comment avec les auditeurs ?
(Rire). Ça se passe plutôt bien je dirais. Certes souvent le ton s’échauffe, mais c’est le débat qui veut ça. Au début les gens ne supportaient pas que je remette en cause leurs propos. Mais à présent, beaucoup adhèrent au concept. Parfois les gens pensent que je m’énerve quand j’élève la voix. Ils ne comprennent pas que malgré tout cela reste une discussion. Cela est dû au fait que trop souvent dans notre pays nous prenons les débats personnellement. Un débat ne devrait pas être une guerre de personnes mais un débat constructif. Nous sommes tous frères et sœurs au Mali. Je ne prends jamais un débat avec les émotions mais avec la raison. Nous devons tous comprendre que nul ne détient la vérité et que c’est dans des échanges positifs que jaillit la vérité. Je remercie vraiment les auditeurs pour l’intérêt qu’ils portent à cette émission car sans eux elle n’existerait pas.
Comment voyez-vous l’avenir du Mali ?
Je suis très optimiste pour l’avenir du Mali. Les attentes sont énormes, il est donc difficile de voir le changement maintenant. Mais quand je vois tous ces jeunes qui s’intéressent désormais à la vie politique de leur pays, je me dis qu’une véritable évolution des mentalités a débuté et que rien ne pourra l’arrêter.
Comment arrivez-vous à manager votre équipe malgré votre jeune âge ?
Je suis ouvert mais très ferme dans mes décisions. J’écoute tout le monde parce que chaque personne avec qui je travaille maîtrise son sujet. Je fais tout pour que chaque employé ou associé soit conscient de l’importance de son rôle dans l’entreprise.
Quels conseils pourriez-vous donner aux jeunes lecteurs qui veulent devenir entrepreneurs ?
Tout d’abord, que les lecteurs sachent qu’aucune école au monde ne peut les préparer à l’école de la vie. Etre entrepreneur au Mali est un véritable parcours du combattant. Je les conseille de ne pas avoir peur de s’associer ou de travailler avec une ou plusieurs personnes. Au Mali, la confiance ne règne pas dans les affaires, ce qui complique beaucoup les chances de réussite. Il est vraiment temps de changer de mentalité, d’effacer toute forme d’égoïsme et de méchanceté, ne serait-ce que pour aller tous ensemble de l’avant.
Si vous deviez revenir quelques années en arrière, choisiriez-vous la même orientation ?
Oui, sans aucun doute. À part peut-être mes études. J’aurais sûrement étudié la réalisation. Parce que tout ce que j’ai appris dans les affaires, je ne l’ai pas appris à l’école, ni à l’université mais dans la rue. Je retournerais sûrement sur les bancs un jour pour perfectionner ma technique en réalisation de films, s’il plaît à Dieu. Le Cinéma est ma plus grande passion. Mais je ne regrette pas mon parcours. Chaque évènement de ma vie est une nouvelle expérience que j’acquiers.
Un dernier message ?
Tout d’abord merci à vous, ainsi qu’à vos lecteurs. Je demande à mes frères et sœurs de ne jamais laisser les autres définir qui ils sont. Tout est à faire dans ce pays, ce qui veut dire que c’est à nous de le bâtir. Donnons-nous les moyens de créer l’avenir. Ensemble, rien n’est impossible.
Kassim TRAORE

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